La relation à la mort

Un deuil, un linceul, un cercueil … quel coup d’œil !

linceulQuand nous sommes touchés par un événement non désiré,  réagissons-nous différemment les uns des autres ? En fonction de leur vécu et aussi en fonction de leur culture, certaines personnes ont plus de facilité que d’autres à surmonter leurs difficultés. Il est intéressant de constater que certains concepts peuvent nous alléger la Vie et d’autres l’alourdir.

Je vous invite donc à un bref voyage, un coup d’œil, celui qui mène au delà de la vie que nous connaissons, c’est à dire ce que nous appelons communément la Mort. La mort que notre mère nous donne en nous donnant la vie. La mort fait donc partie de la vie. Elle y est intégrée dès notre conception. Tout a un début et une fin, et nous y serons tous confrontés un jour, d’une manière ou d’une autre.

Mais … pas de la même façon !

La mort dans les bouddhismes :

siddhartaD’une vie à l’autre, nous expérimentons la loi du Karma. Nous retirons les bénéfices de nos bonnes actions passées et payons les dettes contractées par nos actions moins justes. Pleins de compassion, nous travaillons à réparer sans fin nos erreurs, jusqu’à un jour atteindre l’illumination. Nous ne nous plaignons pas car nous savons que les épreuves d’une vie proviennent des erreurs d’une autre vie, une vie antérieure. Cela peut évidemment induire une certaine forme de fatalisme, dans nos cycles d’incarnations successives, nos réincarnations.

Nous pouvons aussi grâce aux prières et aux offrandes racheter une partie de notre karma.

Dans certaines formes du bouddhisme, la conception du Karma est plus courte : nous vivons dans la même vie la conséquence de nos actes, karma positif et karma négatif. Cela donne une marge de manœuvre plus grande et un droit à l’erreur plus important, donc un potentiel d’action et de responsabilité plutôt que de culpabilité.

Néanmoins, n’oublions pas que  » même Bouddha, quand on lui marche pour la troisième fois sur le pied, se met en colère !  » (citation bouddhiste) Ce qui explique peut-être que les techniques de combat les plus dures (kung fu wushu de type externe) sont d’origine bouddhiste. (Que celui ou celle qui n’a jamais été incohérent leur jette la première pierre ! )

La mort est donc la fin d’un processus d’affinement de ce qu’on pourrait appeler l’âme humaine. A la fin de la vie (expiration du dernier souffle), on ne touche plus au cadavre pendant 3 jours complets, le temps que la cordelette d’argent (lien entre le corps et l’âme) se dissolve et que l’âme libérée retourne à sa source, le monde Astral. Ensuite le corps est brûlé puisque le feu est le meilleur moyen de subtiliser (rendre subtil) et faire monter les énergies restant dans le corps tout en le purifiant (pur du grec  » pyros,  » le feu).

roue_de_la_vieDans la branche bouddhiste des Bôns (ou Bônpo), le corps n’est pas brûlé, mais découpé en parties, répandues dans le monde végétal (forêt ou bois ou grandes herbes), minéral (sur un rocher), sur un lieu découvert à l’air, pour que les animaux du plus petit insecte ou vermisseau au prédateur commun puisse se rassasier momentanément de sa chair et par défécation retourner muté à même la terre, symbole d’humilité (humilité, du latin  » humus « , la terre). Les Bonpo ont toujours été non-violents, végétaliens, alors que certaines branches du bouddhisme étaient encore anthropophages jusqu’en 1894 (voir le livre  » La vie des Maîtres « , de Baird T. Spalding, éditions Poche ou Laffont). Globalement, pour les bouddhismes, la vie est une illusion, qui nous fait travailler sur nos égos pour les épurer afin que nous atteignons la réalisation, l’illumination.

 » La libération de la roue du karma chez les bouddhistes correspond à l’état d’illumination. Ainsi libéré des souffrances et illusions du monde, nul besoin de revenir s’incarner ».  … Ouf !

La mort dans le Tao :

3sages.jpgIssus du Ciel antérieur, nous passons par la matrice utérine pour nous introduire dans le Ciel postérieur qui commence avec la prise du premier souffle.

Le Ciel antérieur, avant la naissance donc, nous sert à préparer notre projet d’incarnation, notre passage sur Terre. Il est évident dans ces conditions, que nous choisissons le meilleur contexte possible, le plus adapté à la réalisation de notre expérience dans la matière. Pourquoi ? Parce qu’il est impossible dans le ciel antérieur de ressentir les effets de la matière, les effets des sentiments et émotions sur la matière (notre corps).

Nous densifions une petite partie de notre énergie en en abaissant la fréquence vibratoire jusqu’à notre conception matérielle in-utero. La naissance est notre passage d’une forme à une autre, notre transformation-changement- mutation. La mort est une  » transformation, mutation, changement  » de retour vers le Ciel antérieur ou nous retrouvons notre omnipotence, notre omniscience et notre ubiquité.

La mort peut donc être perçue comme une forme de libération, c’est vrai, mais quel en serait le sens si nous partions avant la fin du voyage, avant d’avoir accompli ce que nous sommes venus faire sur Terre ?. Voilà pourquoi le suicide n’est ni condamné ,ni souhaitable.

Ce qui est important n’est donc pas de vivre ou mourir mais de  » qu’est-ce que je fais de ma vie ? « , non pas  » je vis et je meurs  » mais plutôt  » comment je vis !  C’est-à-dire  » Est-ce que je décide de tenir ou de jouer, d’aimer ou de haïr, d’agir ou ne rien faire ? « . La question est  » le jour du dernier passage, je regarde ma vie et me demande  » suis-je satisfait de ce que j’ai fait,suis-je heureux(se) de ce bilan ou insatisfait ?

Alors l’existence prend le sens qu’on veut lui donner, nous sommes donc responsables de ce que nous vivons,individuellement et collectivement, de tout ce que nous vivons puisque, que nous l’acceptions ou non, tout concourt à notre évolution vers nos objectifs personnels du Ciel antérieur.

Nous cessons alors de nous plaindre, nous rebeller, ruer dans les brancards, pour nous concentrer sur notre manière d’agir et de perfectionner notre personnalité selon nos valeurs personnelles : par exemple  » si je suis la paix, je suis en paix, si je suis amour, je suis aimé et j’aime « , tout cela quelque soient les conditions et le contexte dans le quel je me trouve.

Si de l’intérieur il est souvent difficile de connaître nos projets de vie, comment le voir, l’évaluer chez quelqu’un d’autre ? C’est impossible ! Ainsi juger qu’une personne est morte trop jeune ou trop vieille, ou que ce qu’elle vit est injuste, reviendrait à lui dire  » non, non, coupez le film, ce n’est pas la bonne scène, vous vous êtes trompés ! «  Cela reviendrait à affirmer :  » cette personne n’est pas le bon metteur en scène de sa vie, le bon c’est moi ! «  Qui pourrait se permettre cette arrogance ?

L’attitude juste ? Intégrer que nous ne maitrisons rien – ou pas grand chose– dans le monde extérieur, mais que nous sommes les souverains de notre monde intérieur, et en même temps que notre façon d’agir sur notre environnement (monde, nature, gens, animaux) influe directement et indirectement sur les événements que nous vivons ou sur la manière dont nous les vivons. D’où la nécessité d’affuter sa conscience et de lisser nos égo en comprenant que même si la raison nous échappe, TOUT EST A SA PLACE !

Quant à ZhuangZi (TchouangTseu si vous préférez) le rêve du papillon indique qu’il est impossible de savoir si nous rêvons que nous vivons quand nous sommes éveillés, ou bien si nous sommes dans une autre forme de rêve dans le sommeil d’une autre forme de conscience ou d’existence. Alors puisqu’il est impossible de savoir, pourquoi en parler ou se prendre la tête avec le sujet, .. simplement .. vivons et soyons ! Car il n’y a ni début ni fin, il n’y a que transformation, yang-yin, eau-bois-feu-terre-métal, jour et nuit, saison après saison, naissance-croissance-déclin-mort-renaissance, inspiration-expiration (à chaque fois que j’expire, je meurs à moi-même, à mon ancien moi, à chaque inspiration je renais différent), et ainsi tout prouve que  » rien ne crée, rien ne se perd, tout se transforme « , citation attribuée à Lavoisier qui l’a bien empruntée à Anaxagore de Clazomènes (philosophe grec présocratique (-500 -428 av. J.-C., soit 1 siècle après LaoTzeu, LieZi et TchouangZi) .

La mort et le Confucianisme :

kongziUne des particularités du confucianisme est le respect des rites. Tout y est codifié : comment se comporter en fonction de qui on a en face de soi. Ainsi, la  » piété filiale  » enjoint le fils à respecter ses parents et à honorer ses ancêtres. La femme du fils devra une fois mariée, abandonner le culte de ses ancêtres pour assurer celui des ancêtres de son mari. Il n’y a qu’une faible différence, un faible voile, entre le monde des vivants et le monde des morts. Il n’y a qu’un changement de forme, comme dans le Taoïsme. Ce qui veut dire qu’on communique avec les défunts, soit soi-même, soit par l’intermédiaire d’un prêtre. Les morts ont les même besoins dans leur monde que dans le nôtre, se vêtir, se nourrir etc. Les vivants doivent donc leur en assurer les moyens par des offrandes, de l’argent, de la nourriture, et des prières. Le  » livre des rites « , disponible sur le site  » taopratique  » vous en donnera plus de détails.

Il est rituel de pleurer la disparition le jour même, et de porter le deuil sur deux années. Si vous vous débrouillez bien, vous porterez le deuil six mois sur l’année du bœuf et six mois sur l’année du tigre, et ça fera deux années. Eh oui, le rituel n’exclut pas les petits arrangements. Mais comme le disait KongZi (Confucius en latin), le jour de la disparition de sa femme, il la pleurait comme si il avait tout perdu au monde, et le lendemain, il riait. Il riait en se moquant de lui-même car il comprenait qu’il ne comprenait rien à la vie de sa femme, de son principe de vie à elle; il admettait que toute chose se transforme en autre chose. Et il n’avait pas la présomption de maîtriser la vie de sa femme mieux que la Vie elle-même. Modestie et humilité.

La physique quantique moderne, la tradition chrétienne et la mort :

Les trois concepts de l’existence tels que décrits ci-dessus pour les chinois font référence à un temps circulaire, ou cyclique, tout comme les plus récents travaux des scientifiques quantiques modernes. Il n’y a ni naissance ni mort, juste une transformation, une mutation en autre chose.

adam-eve-pommePour la religion chrétienne, je dois passer ma vie à rattraper l’erreur originelle d’Adam et Ève. Je suis donc coupable à l’origine et dois donc faire effort toute ma vie pour mériter ma rédemption, mon paradis, et éviter ma perte, l’enfer. Les notions de culpabilité et de peur sont donc motrices dans ce concept. Il est intéressant de noter que cette notion de dualité manichéenne (le bien d’un côté et le mal de l’autre ) est toute relative et arrange celui que cela arrange. Ainsi la croisade serait une guerre juste, ou l’on tue justement et donc où justement l’on tue, et allègrement. Alors que la tradition essénienne dont le christ était membre, prônait le respect de toute forme de vie à tout prix. Donc végétalien et non-violent, comme les bouddhistes Bonpo cités plus haut. Il est évident que dans ce contexte, la mort puisse faire peur puisqu’avant la naissance, on nous dit qu’il n’y a rien, et qu’après la mort il pourrait y avoir l’enfer. Comme disait Petit-Gibus dans la  » guerre des boutons « :  » si j’aurais su, j’aurais pas venu !  »

Alors comme on a peur de la fin, de ce qui pourrait y avoir au bout de la ligne droite, on essaie de la tordre, la ligne, et de mettre entre sa fin et nous, le maximum d’obstacles et de choses sensées la remplir. Nous nous investissons dans de nombreux projets, des échecs et des réussites, des objectifs quantitatifs, et nous stressons si nous avons la sensation de ne pouvoir y parvenir. Ainsi viennent le stress, le burn-out, la dépression, et nombreux maux de société. Ainsi la mort est un échec de n’avoir su vivre plus longtemps, mieux ou moins bien, on s’en fout, mais plus longtemps. Ce qui fait que la  » mort-échec  » s’oppose à la  » vie-réussite « . Votre mort devient donc l’échec du médecin qui n’aura su vous sauver (de vous-même puisque vous vous suicidez en arrêtant de respirer ou en arrêtant votre cœur de battre), ce dernier n’aura de cesse de s’acharner contre vents et marées et surtout contre Vie, à vous maintenir en vie quitte à vous légumiser. Il n’est donc point à blâmer car il agit en fonction de ses croyances et donc de ses propres peurs.

Conclusion :

la_roue_de_fortuneIl est question ici de faire un bref et succinct portrait sans aucune prétention du rapport que l’Être humain peut entretenir avec la mort. Il est intéressant de constater que de ce rapport avec la mort découle le rapport que nous entretenons avec la Vie. Rapport dramatique ou jubilatoire, positif ou négatif, souple ou rigide ? C’est à vous de décider à chaque instant. Il s’agit moins de  » vivre à tout prix «  ou de  » savoir-vivre «  que de  » comment vivre « , … bien avant de penser à mourir. Alors … sourire !

Quant à moi, le jour où je changerai de forme, je vous invite à rire en vous souvenant de mes bêtises et à penser que chaque chose est toujours à sa place, et donc moi aussi.

Santé et bonne fortune à vous.

Jean-Michel.

Citations :

  • « Aujourd’hui est un bon jour pour mourir ! » (Sioux Lakota = « je me sens en harmonie avec le grand-tout, donc si je dois mourir aujourd’hui, ça ne me pose pas de problème »)
  • « On a toute la vie pour se préparer à mourir ! » (= autrement dit, comment se fait-il que certaines personnes à leur fin de vie ne soient pas encore prêtes ?)

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